En 2023, la démolition de la bibliothèque universitaire a marqué un tournant dans l’histoire architecturale du campus de la Porte des Alpes. Elle laisse désormais place à l’imposante charpente du futur Learning centre dont la livraison est prévue au printemps 2026. Aussi spectaculaire soit-il, ce changement s’inscrit dans une longue histoire des métamorphoses du campus. Rétrospective.
Par Anne Loustalet, doctorante en géographie au laboratoire EVS-IRG.
Les années 1970 : la création
1971, le nouveau campus de Bron-Parilly ouvre ses portes. Il y a encore quelques années, le terrain sur lequel il prend place, appartenait à la Société des Courses. Le choix d’implantation se fait un peu par défaut mais contente les différentes parties prenantes : un moyen de construire rapidement un nouvel établissement pour l’université, d’éloigner les étudiants du centre-ville et ainsi éviter les désordres pour la ville de Lyon et la Préfecture, mais aussi de rembourser rapidement ses dettes pour la Société des Courses.
Dans le cadre d'une mission doctorale de médiation scientifique financée par LYSiERES², Anne Loustalet est chargée de valoriser le patrimoine architectural du campus Porte des Alpes, où des travaux d'envergure sont actuellement en cours et annoncent l'arrivée de La Ruche et d'une résidence étudiante. Elle partage ici ses recherches avant de se lancer dans la conception d’une médiation pour raconter aux usagers et usagères des lieux l’histoire de cette architecture particulière et les enjeux sociaux, économiques et politiques qui l’ont façonnée. |
© CC BY-NC-ND 4.0, Pierre Clavel, 1974, Bibliothèque municipale de Lyon, fonds du Centre régional de documentation pédagogique de Lyon, cote P0707 CRDP R00114
Les années 1990 : la densification
À la fin des années 1980, le contexte financier est favorable pour l’université : le plan « Université 2000 » et les crédits du projet « Été 1992 » alloués par le ministère de la Culture permettent d’engager d’importants travaux d’extension et d’aménagement du campus tout au long de la décennie 1990.
Mais la majeure partie des aménagements dépend du projet d’aménagement du Champ du Pont à Saint-Priest, actuel parc technologique de la Porte des Alpes. Le campus de Bron est en effet envisagé comme un facteur d’attractivité pour convaincre les entreprises de s’installer dans cette nouvelle zone d’activité économique. La construction de l’IUT Lumière, entre 1990 et 1994, est ainsi une conséquence directe du tournant « entrepreneurial » de la Porte des Alpes. Ce projet métropolitain explique également l’éloignement du bâtiment Europe (aujourd’hui « V »), sorti de terre en 1998, par rapport au campus d’origine : il devait jouer le rôle d’une interface entre l’université et le parc technologique.
Les années 2010 : la disparition
Dans les années 2010, les opportunités foncières se font rares et le bâti originel atteint un degré de vétusté accru. Malgré une labellisation « Patrimoine XXe siècle » en 2000, l’université opte pour la démolition-reconstruction d’une partie de son patrimoine bâti.
En 2012-2013, le bâtiment I, situé à l’entrée du campus, est démoli et remplacé par le massif bâtiment de l’ICOM. Dans la foulée, est décidé la restructuration profonde du problématique bâtiment K . Construit au moment du choc pétrolier, on avait raboté sur la qualité des matériaux employés pour contenir le coût de sa construction. Malgré la conservation de sa structure, l’ensemble surélevé de plusieurs étages et fardé d’une couleur orange vif, s’éloigne profondément du vocabulaire architectural d’origine. La démolition de la bibliothèque universitaire en 2023 vient parachever la disparition progressive du campus Dottelonde dont les deux parties subsistantes, désormais isolées l’une de l’autre, ont rendu caduque le système de rue centrale.
© Bibliothèque Kandinsky - Centre de recherche du musée national d’art moderne, fonds Véra Cardot et Pierre Joly, cote 3505 DOTTE a P07304_P
© Anne Loustalet, 2025
Une patrimonialisation inachevée ?
À l’issue de cette courte généalogie de l’architecture du campus de la Porte des Alpes, émerge un paradoxe : le campus d’origine n’a jamais été autant altéré qu’à la suite de la labellisation « Patrimoine XXe siècle » (aujourd’hui « Architecture contemporaine remarquable »).