Le 20 novembre 2024, la Boutique des Sciences était présente aux journées d’études « Quelle portée scientifique et politique des sciences et recherches participatives ? » de l'axe 3 Démocratie et savoirs du GIS Démocratie et Participation.
L’occasion pour la Boutique des Sciences de présenter un état des lieux de ses pratiques d’intermédiation et de discuter de ce que la formalisation de ce rôle tiers au sein d’un dispositif institutionnel (ici, l’Université Lumière Lyon 2) apporte aux travaux participatifs réalisés, dans le but de comprendre comment un cadre formel d’accompagnement de projets permet et alimente une diversité de situations d’intermédiations, d’un projet à l’autre, d’un collectif de recherche à un autre.
Cette communication proposée par les chargées de projets de la BDS s’est apparentée, non pas à une contribution scientifique en tant que telle, mais plutôt à une analyse de pratiques professionnelles dans le but d’alimenter la discussion nationale et collective autour de l’évolution des pratiques professionnelles de la médiation au sein de contextes de plus en plus partagés et mixtes de recherche.
Les 4 facettes de l'intermédiation au sein de la BDS
L’objectif de cette communication était d’expliciter les différents rôles que la BDS joue dans les projets de recherche participative, à quels moments et de quelles manières. A ainsi été partagé et proposé au débat une caractérisation autour de 4 axes de pratiques professionnelles plus ou moins mobilisées par la BDS selon les projets. Cette matrice permet non pas d’évaluer ou de juger la réussite d’un projet mais bien de faire le constat de la diversité des postures et utilités de l’intermédiation :
Proposition d’une grille d’analyse des pratiques professionnelles l’intermédiation en contexte de recherche participative © Boutique des Sciences de l'Université Lumière Lyon 2
Réguler les relations
Cet axe va de la facilitation de la rencontre entre les différentes actrices et acteurs du projet (membres d’association ou de collectif local, étudiantes et étudiants, chercheuses et chercheurs) et du maintien du cadre d’engagement moral du projet (explication et garantie des attentes, engagements) à la gestion des conflits et des décalages entre les parties prenantes, voire à la remédiation.
Faire émerger un projet de recherche
Cet axe va d’une absence d’implication des intermédiatrices et intermédiateurs de la BDS en amont du projet, lorsque le sujet de recherche existe déjà de manière formalisée du côté des actrices et acteurs chercheurs et/ou associatifs, à une influence sensible des chargées et chargés de projet sur la définition de l’objet (interprétation, orientation, précision).
Cette pratique soulève des questions éthiques, relativement impensées dans la pratique quotidienne de l’intermédiation, liées par exemple à l’influence des appétences individuelles, des représentations et des expériences préalables des accompagnatrices et accompagnateurs sur les sujets traités.
Cependant, ce potentiel d’influence sur la définition même de l’objet de recherche s’inscrit dans les objectifs fondamentaux et partagés des BDS, à savoir faciliter l’émergence de sujets invisibles, souvent qualifiés d’orphelins, en recherche.
Guider les pratiques de recherche
Cet axe va de l’information des parties prenantes des collectifs mixtes de recherche (ouverture et sensibilisation à d’autres pratiques de recherche) à l’intervention et la proposition d’expérimentations collectives de nouveaux outils et de nouvelles formes d’enquête, de réflexion, etc.
Gérer la dimension partenariale du projet
Cet axe va d’une logique plutôt institutionnelle consistant à faire entrer de potentielles recherches et rencontres entre actrices et acteurs dans les cadres du dispositif BDS (calendrier, formats de projets, types de livrables, etc) au développement de nouveaux cadres et solutions pour faire exister des projets de recherche émergents.
Cette facette peut impliquer des tâches administratives liées à la mise en œuvre de la recherche et être porté par différentes actrices et acteurs du projet, de manière plus ou moins claire.
En complément de ces 4 axes qui, ensemble, proposent une grille d’analyse pour les pratiques actuelles d’intermédiation en contexte de recherche participative, d’autres questionnements plus transversaux ont été soulevés. Se pose par exemple la question de l’accompagnement à « l’après » qui demande un investissement très différent selon les projets : simplement s’assurer que les livrables ont été réalisés, jusqu’à l’accompagnement dans le dépôt d’un nouvel AAP ou dans les relations avec les pouvoirs publics par exemple. Le manque de recul sur cette dimension et l’extrême diversité des situations rend cette thématique difficilement modélisable et appelle à une discussion élargie à d’autres pratiques, actrices et acteurs de l’intermédiation.
La BDS a ainsi confronté trois exemples de projets récemment accompagnés à cette grille d’analyse en détaillant pour chaque axe la traduction concrète et les incidences des pratiques d’intermédiation. Leur comparaison illustre bien les multiples pratiques de l’intermédiation et permet de préciser qu’il n’existe pas de schéma dominant et prévisible ou même plus souhaitable. Cette proposition de matrice, bien que non formelle et finalisée, a attisé la curiosité des participantes et participants de la journée et permis des échanges enthousiastes et enrichissants.
Vers un élargissement de la réflexion autour des pratiques d’intermédiation : prolongements et croisement des regards
S’il est intéressant de partager un état des lieux du rôle de la BDS dans les projets de recherche, il serait encore plus enrichissant de creuser comment il est perçu et vécu par les autres parties prenantes des projets : les associations, les étudiantes et étudiants, les chercheuses et chercheurs. Un temps de bilan organisé chaque année avec les associations impliquées et une étude d’impact réalisée par la BDS en 2020 donnent déjà quelques pistes mais la proposition de communication lors des journées a essentiellement été élaborée du point de vue des chargées de projets. De fait, ce volet mériterait une enquête réactualisée et élargie et de croiser ces états des lieux avec les recherches menées sur les pratiques de médiation et de confronter regards et vécus autour de ces rôles.
Ainsi, malgré la standardisation des dispositifs d’accompagnement à la recherche participative, notamment à travers les Boutiques des Sciences, les pratiques de l’intermédiation restent peu formalisées. Des codes et des normes sont néanmoins progressivement construits, établis et expérimentés à l’échelle des réseaux nationaux, francophones et internationaux. L’intervention de la BDS à des événements comme les journées d’étude du GIS Démocratie et Participation lui permet de partager et faire rayonner ses pratiques, les enjeux éthiques et institutionnels pour les mettre en discussion dans la communauté scientifique mais aussi découvrir d’autres projets de recherche participative et leurs méthodes. Dans le but de contribuer à cette réflexion collective et nationale, la contribution de la BDS fera l’objet d’une publication dans le cadre d’un ouvrage dirigé par les organisateurs des journées.